Mais qui sont-ce?
Qu’on se le dise, tu croises chaque jour des centaines de personnes. Dans la rue, dans les transports en commun, au supermarché, dans les embouteillages, à la sortie du restau, du ciné, du Mdco. En clair, dès que tu sors de chez toi, tu es confrontée à des étrangers qui ignorent tout de toi. Cela ne te dérange pas outre mesure, tu es plutôt secrète, pas du genre à étaler ta vie Ben quoi ? Un blog n’a rien à voir là-dedans, fais pas chiénon, en fait, ce qui emmerde la curieuse que tu es, c’est que tu ne sais rien d’eux. S’envole alors une valse de questions qui resteront à jamais sans réponse.
Qui sont-ils ? Où vont-ils ?
Où va ce bel homme avec son sac à provision ? A-t-il fait les courses pour une amie malade, cache-t-il un sachet d’héroïne prêt à être dealé aux jeunes du Neuhof, ou est-il simplement un pauvre célibataire rongé par la solitude ? Et elle, elle a l’air plutôt jeune, mais l’est-elle vraiment ? Quel âge se cache sous cette jupe ras-la-touffe-t’as-qu’a-mater et ces cheveux blanc à peine décelables ? Et ce pré-ado avec son sac à dos plus lourd que lui, il attend le bus, pour aller chez un ami jouer aux jeux vidéo ou acheter la cam au Neuhof dealé par le bel homme rencontré 10 minutes auparavant ? Et ce type coincé dans les embouteillages en train de se curer le nez, deux gosses à l’arrière en train de se foutre sur la gueule, est-il heureux dans sa vie ? Va-t-il rejoindre sa femme, ou juste ramener les gosses à son ex-épouse, pour aller tringler une demie heure plus tard la femme pour qui il a quitté la mère de ses enfants ? La jeune fille là-bas, pourquoi porte-t-elle un pantalon noir ? Parce que ça rend plus mince et qu’elle a quelque chose à cacher ou c’est juste parce que tous ses autres futes sont au linge sale ? Est-ce la femme pour qui l'homme au nez gracieux et aux deux gosses affreux à quitter sa femme ? Et la vielle dame là-bas avec sa canne entrain de galérer pour traverser la rue tu l’aideras après, combien de temps lui reste-t-elle à vivre au juste ? Quelle sorte de vie laisse-t-elle derrière elle ? Une vie de dépravée à la libido exacerbée ou a-t-elle été fidèle à son époux infidèle qu’elle rejoindra au paradis des pépés dans trois jours ?
Si tu les recroise un jour, te souviendras-tu d’eux ? S’ils meurent un jour, dans un accident de voiture, suicidés au doliprane ou défoncés par la drogue, le sauras-tu ?
Chaque jour, des hommes et des femmes défilent devant tes yeux. Ces hommes et ces femmes, ne font pas partie du décor, non, ils ont, eux aussi, une vie, une histoire, un passé, des problèmes, des joies, des regrets, des peines, des faiblesses, des bonheurs, des douleurs.
Ces hommes et ces femmes, ils sont comme toi, ils vivent à une période qui est aussi la tienne, respirent le même air. Ces hommes, ces femmes et toi, vous ne vous connaissez pas, mais vous savez tous, qu’Obama est le premier Président noir des Etats Unis, que DSK a fauté avec la Bérénice de son hôtel toutes les femmes de ménages s’appellent Bérénice chez moi en fait, que l’hiver arrive et que les villes se remplissent de guirlandes de Noël.
Parfois, tu imagines qu’à l’heure où tu étais en train de vivre tes premières expériences avec ton motard il y a quelques mois, à l’heure où tu étais heureuse, avec ce goût de la découverte, de croquer la vie à pleine dents où tu te sentais pousser des ailes et invincible, que les uns étaient surement en train de vivre leur premières peines de cœur, d’autres, leur dernières, et que certains perdaient leur emploi se voyant expulser de leur appartement pour cause de loyer impayé, quitté par leur femme recherchant la sécurité financière ailleurs. Et à l’heure où ton motard t’annonçait votre séparation, et que le sol s’écoulait sous tes pieds, ces mêmes personnes reprenaient peu à peu le goût à la vie de par une nouvelle rencontre, un nouveau travail, ou quelque changement positif que ce soit. Tu imagines bien qu’à l’heure où tu écris ce post, certain sont tombés sur ton blog par hasard, de liens en liens, qu’ils sont en train de lire la première ligne de ton dernier post, pour se voir cliquer sur la petite croix en haut, à droite de la fenêtre et ne plus jamais revenir.
Toi-même parfois, tu ne prends pas le temps de lire un article dans son intégralité lorsqu’il s’agit d’un blog inconnu, sous prétexte que le style ne te convient pas, sous prétexte qu’il y a trop de fautes d’orthographe tu es si bien placée… , un langage sms trop exacerbé ou un thème qui ne t’intéresses pas. Pourtant, il ne s’agit rien d’autre que de ces hommes et ses femmes qui se racontent, ces hommes et ses femmes que tu croises chaque jour dans la rue, dans les transports en commun, au supermarché, dans les embouteillages, à la sortie de restaurant, du ciné, du Mdco, de ces hommes et ces femmes qui partagent le même siècle que le tiens, et tu aurais là, les réponses, à toutes tes questions…
Et puis, à contrario, tu t’invites chaque jours sur des dizaines de blogs que tu juges intéressants, tu apprends à connaitre des personnes vivants au quatre coin du monde, tu en viens à connaitre leur intimité, leur vie, leur histoire, leur passé, leur problèmes, leur joies, leur regrets, leur peines, leur faiblesses, leur bonheurs, leur douleurs, sans pour autant connaitre les détails de leur physionomie, leur style vestimentaires, leur attitude, leur façon de marcher et leur mimiques.
Et dire que, si tu en viens un jour à les croiser sur ta route, tu ne sauras pour autant qui ils sont...