Quand la réalité dépasse la fiction
Ou comment mentir peut te revenir en pleine gueule.
Il y a quelques semaines, tu te débarrassais de ta Glue-Parisienne prétextant que ta sœur était dans les ennuis, que le père de sa fille l’a faisait encore chié à coups d’harcèlements, d’insultes, suite à leur séparation qu’il n’arrivait pas à accepter, que tu avais peur de lui, peur pour elle et pour ta nièce. Un mensonge basé sur des faits réels, mais à ce moment-là, il se s’était rien passé de très probant. Pour te débarrasser de ta Glue ce soir-là et pour éviter de passer à la casserole, tu avais simulé un appel de ta sœur, en pleure, te demandant de venir dès que possible car ça n’allait pas, il s’était passé quelque chose. Tu avais fait les choses en grand, inventant une conversation téléphonique où il n’y avait personne au bout du fil « Hein ? Mais calme toi je comprends rien ! » « De quoi ? » « Mais t’es où là ? » « Et lui il est où ? » « Sérieux tu veux pas appeler les flics ? » « ok » « Ben oui » « ok j’arrive ».
Sauf qu’hier, quand le téléphone a sonné, tu ignorais que tu allais avoir cette même conversation, les même propos mots pour mots. Cette-fois-ci, ta sœur était vraiment au bout du fil.
En pleure, tu comprends rien à ce qu’elle te raconte, tu captes juste qu’il l’a frappé, qu’elle a peur, bref t’arrives. Evidemment, tu étais déjà en pyj’, qu’à cela ne tienne c’est pas ce soir que tu vas rencontrer l’homme de ta vie, t’es pas d’humeur, t’attrapes ton sac de lycéenne Eastpak que tu as gardé, ta brosse à dent, un jean, un pull et ton fatras pour tes verres de contact, au cas où il te fallait rester chez elle pour la nuit. Avec le recul, tu te dis que même en stress, même dans la précipitation et la peur, tu gardes quand même une certaine présence d’esprit.T’as quand même remis tes lentilles que tu avais enlevé une demie heure avant, et qui n’étaient pas encore décontaminée, donc, ça pique et tu vois que dal. Il fait nuit, tu dois prendre la route, 50km, brouillard épais, et tu vois moins que, que dal. T’as peur, tu stress, mais pas le temps de pleurer, t’as juste envie de tuer l’enculé qui a osé toucher à ta frangine.
Ces 50km ne t’ont jamais paru aussi long. Tu manques de cartonner à plusieurs reprises, t'es mal, et cette oreille bouchée depuis 2 jours te fais perdre tes repères et ton équilibre. Tu descends ton paquet de clope, l’ambiance est apocalyptique, tu te demandes comment cette histoire va se terminer ; les idées se bousculent dans ta tête. Tu trouves quand même le moyen de penser à PiouPiou, à ton motard, tu te dis que ça aurait était plus simple si l’un ou l’autre avaient été à tes côtés.
T’arrives enfin, ta sœur t’ouvre la porte avec précaution de peur que ce ne soit l’enculé qui revienne, elle tombe dans tes bras en pleurs. Vous êtes là, dans le garage, ta sœur recroquevillée dans tes bras, tu ne trouves même pas les mots. Tu lui demandes si elle a mal quelque part, apparemment ça va. Tu lui demandes si elle a appelé les flics, oui, mais ils en ont rien à foutre, sous prétexte qu’il était chez lui lors des faits et que ta sœur ne saigne pas, n’a pas de marque, rien. Le flic a noté ce qu’il s’est passé quelque-part-on-ne-sait-pas-où,mais lui a déconseillé de porter plainte, comprenez, cela envenimerait les choses. Connard.
Vous fumez une quinzaine de clopes, ta sœur t’explique les détails des insultes, des gestes, des menaces de mort. Ta nièce de presque 2 ans a assisté à tout ça. Tu essayes de convaincre ta sœur de faire ses clics, ses clacs et de venir chez toi. Elle refuse, prétextant que la petite doit aller chez la Nounou le lendemain, qu’elle doit aller bosser. Tu lui proposes de prendre une journée de congés pour garder ta nièce, le but étant de se barrer de cette baraque de merde. Elle refuse. Elle te demande d’appeler votre père, à 700 bornes de là, chose que tu fais. Ton père est, bien évidemment, hors de lui et décide de venir dès le lendemain, pour buter l’enculé. T’as juste peur, parce que ton père, il est vieux, il est faible, à la santé pas top, et du genre à régler les choses par la force. Et vu qu’on a touché à un cheveu de ses filles, c’est même pas la peine, l’enculé est un homme mort.
Tu restes chez ta sœur pour la nuit, tu peux pas la laisser seule, ton père te le demande aussi, soit, tu ressors chercher ton sac Eastpak dans la voiture.
Cette nuit, tu n’as pas dormi tellement tu étais pétée de trouille. Peur que l’enculé revienne, peur que ton père fasse la route tout seul demain, peur qu’il fasse une connerie, peur que ça se retourne contre lui, et qu’il arrive un malheur.
T’as repris la route pour Strasbourg ce matin, tôt, évidemment, tu t’es tapé les bouchons. Epuisée, t’es rentré chez toi, pour te reposer, t’iras bosser cette aprèm’, où les merdes que tu as laissé en plan jeudi dernier t’attendent.
T’es en plein cauchemar, tu n’as jamais eu aussi peur de ta vie, tu es seule, et impuissante.