Adopte-un-moulin-à-paroles.com
Ce soir, tu t’es foutu un coup de pied au derche sous prétexte qu’il y a quelques jours, tu as fait le listing de tes bonnes résolutions qui disaient que cette année, il te fallait combattre la solitude, aller à l’encontre des gens, te faire des amis patati et patata voir plus si affinité of course. Donc ce soir, tu t’es foutu un coup de pied au derche et tu es allée à ton premier rencard de l’année, un rencart AdopteUnBoulet of course. Comme à l’accoutumée, tu y es allée sans conviction aucune, mais il fallait bien te remettre le pied à l’étrier. Tu parles avec ce mec depuis quelques semaines. Des échanges où il n’y avait pas de quoi se taper le cul par terre, une seule photo qui en disait peu les photos pris de trois quart mettent souvent en valeur, et quelques allusions douteuses où l’objet en question se taxait lui-même de « nounours » à plusieurs reprises. Un nounours pour toi, c’est un gars bien portant mais qu’à cela ne tienne, la seule photo qui en dit peut n’avait pas l’air de refletter un quelque surpoids quoique, tu voyais juste la tête, tu lui as donc accordé le bénéfice du doute. Alors cette semaine, vous convenez d’un rendez-vous, il te file son numéro, ne te demande pas le tiens. Ouf’, tu échapperas donc aux harcèlements éventuels. Rendez-vous 19h devant la FNAC, soit. A 17h, tu commences à te mettre en scelle, tu fais ton brushing tout en matant la télé et en songeant mollement à ce que tu allais bien pouvoir te foutre sur le cul. Le brushing terminé, tu sais toujours pas comment tu vas te fringuer. A la be-cool-relax à savoir jeans, pull, converse, et casquette à la Gavroche, sac en bandoulière, ou plutôt Girly-Chic, jean moulant, talon et manteau long ? T’as pas envie de te casser la tête, en plus tu ne mises pas un kopeck sur ce mec, puis t’es quand même plus à l’aise dans ton converses trouées, donc t’iras en Gavroche les mains dans les poches. Tu sors la clope au bec, tu prends ton tram quelle joie de pouvoir te resservir de ton Badgeo sans devoir acheter de ticket aller-retour qui coût la peau des fesses, tu montes et tu t’assoies en face d’un vieux gros puant et dégoulinant de transpi. Tu colles ton nez dans ton écharpe en priant que les 3 pauvres stations passent vite. A l’avant dernière station, le vieux gros puant se lève avant l’arrêt complet tu tram et évidemment, manque de se casser la gueule sur toi, t’écrasant de tout son poids. Joie. T’arrivant enfin devant la FNAC, t’allumes une clope, c’est désert. D’habitude, tu t’arranges toujours pour pas arriver la première quitte à faire 15 fois le tour du pathé de maison, parce que t’aimes pas ces moments où tu te dis que ça se trouve, le gars se planque au coin d’une rue pour te reluquer. Ta clope est presque consumée, mais tu la gardes entre les doigts histoire de te donner une contenance. A ce moment-là t’entends un « excusez moi ? » qui émane de derrière toi. Tu te retournes et là, un mec avec un imper, lunettes, bien portant s’avance « Vous n’auriez pas une cigarette s’il vous plait ? » Putain, c’est lui ? « Euh non désolée, je n’en ai pas ». Le mec s’éloigne mais rôde toujours autour de toi, comme s’il attendait quelqu’un. Putain, mais c’est lui ou quoi ? Je vais le voir, je lui demande ? Non ça ferait con, vas y prends un air dégagé tu verras bien. Le mec rôde toujours, tu le surveilles du coin de l’œil tout en priant que ce ne soit pas lui. A ce moment, t’as juste envie de prendre tes jambes à ton coup. 18h56, allez attends encore un peu. Le mec fini par s’éloigner. La place Kleber est déserte, pas un chat. T’as toujours ta clope ton filtre à la main, tu fais toujours semblant de fumer t'es pathétique et tu le sais. Puis un type passe devant toi, en te regardant l’air interrogateur, et sans te poser mille question, tu lui lances un Salut machinalement comme si t'avais envie que ton rencart, ce soit lui. Il s’avance, te répond et te tape la bise. T’es soulagée d’avoir fait la bise à la bonne personne et surtout, t’es soulagée que l’homme que tu attendais ne soit pas le rôdeur qui avait essayé de te taxer une clope 5 minutes avant. Y’a pas à tortiller du cul pour chier droit, tu gagnes au change. Brun, les yeux mutins et sombres comme tu aimes, un bouc y'en a qui disent que ça fait beauf mais toi t'adores une silhouette normale, un look banal, mignon. Il te propose d’aller boire un verre dans ce bar à 50 mètres. Ce bar, tu l’aimes bien, mais tu proposes jamais d’y aller depuis qu’on t’as dit que c’était un bar gay. T’as toujours émis des doutes là-dessus. Du coup, t’as émis des doutes sur les penchants sexuels refoulés de l’adopté un quart de seconde hein. Bar fermé Mauvais point. 10 mètres plus loin, autre bar, fermé. Mauvais point. Vous en riez et vous en venez à traverser le centre-ville pour vous retrouver dans un bar à bière qui ne font même pas d’Ice tea Mauvais point. Mais tu ne lui en tiens pas rigueur. Toi-même, tu avais zappé son prénom et la nature de son job alors… Tu te fais toute petite.
Pendant une heure et demie, vous parlez. Enfin, il parle. De son boulot, de son collègue qui fait chier mais il en rigole, de son opération des yeux d’y a 2 ans mais il en rigole, de ses soirées pokers entre amis, de son vidéo projecteur qu’il a installé dans sa chambre […] T’es pas trop à l’aise et limite même pas toi-même parce que pour le coup, tu ne peux même pas en placer une et débiter des conneries. Du coup, t’es en mode Blonde-à-l’écoute, tu te tilles le lobe de l’oreille à coup de Ouais, ouais. Ouais c’est sûr. Sérieux ? Olàlà, hihi, ahaha, Non… ? Quand il en vient à te poser des questions pour être poli quoi, tu réponds certes, mais ça sonne faux, comme s’il te fallait un temps d’adaptation pour réapprendre à faire des phrases sujet-verbe-complément. Tu souris, tu ris, t’écoute et tu l’observes s’emballer de rire dans les propres conneries qu’il raconte. Putain mec, t’es super mignon, mais t'es un vrai moulin à parole, mais t’es quand même mignon… A la fin, tu prétextes un faux diner entre amis, tu avais déjà amorcé la chose par mail, il faut que tu y ailles. Il propose de te ramener, mais n’est pas garé à côté, t’aurais plus vite fait d’y aller à pied, mais t’acceptes quand même tu sais pas pourquoi. Vous retraversez le centre, là encore il te raconte sa vie et ses déboires avec son patron mais il en rigole, et ça fait plaisir à voir, à l’heure où bon nombre sont aigris. Vous marchez côte à côte, tu l’observes de profil, il est vraiment pas mal quand même. Et son nez, droit, ni trop petit ni trop grand, comme tu aimes oui, t’accordes beaucoup d’importances aux nezs, tu pourrais craquer seulement pour, un nez Tu grimpes dans sa caisse et 5 minutes après, il te déposes au coin d’une rue au coin de TA rue en fait, ça, il le sait pas, puis y’a des restau pas loin donc, ça passe. « Tu as mon numéro, si tu veux qu’on se refasse quelque chose un de ces jours, où tu auras plus de temps n’hésites pas ! » Un peu con-con, limite intimidée, tu lui lances un « Oui oui pas de problème et désolée encore pour ce soir, rapport à ce diner ». Tu claques la portière, et tu rentres chez toi.
Pendant les 5 minutes de marche qui te restait pour atteindre ton antre, t’essaies de faire le bilan, et surtout, tu te poses l’ultime question à savoir « As-tu envie de le revoir ? ». En temps normal, la réponse est translucide et à toujours été jusque-là, négative, pour une raison ou pour une autre. Là, y’a comme une mini-voix qui te dis qu’il faut quand même essayer d’en savoir plus. C’est vrai, ce mec s’est lui-même taxé de « timide » lors de vos échanges. Là, il s’est révélé être une vraie pipelette mais peut-être que ce n’était qu’un moyen de meubler la conversation, par peur du blanc ? Les timides font ça parfois je suis dans le vrai ou je lui donne des excuses ? Et puis, il est quand même agréable, il rit de tout, il est positif, il a l'air bien dans ses baskets, ça n'a pas l'air d'être un alcoolique du samedi soir, ni un guédro, tu dirais même que c'est ce qu'on appelle un-ptit-gars-bien-sous-tous-rapports à première vue of course. Alors ok, physiquement, il conviendrait au poste, tu te surprends même à penser que t’en ferais bien ton casse-croûte. Mais, ça ne fait pas tout.
Alors pourquoi cette envie molle de le revoir, de creuser et d’en savoir plus ? Juste parce que tu penses qu’il y a matière à, ou juste, parce que tu as la dalle et que n’importe qui ferait l’affaire… ?
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